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26 mai 2020

Des nouvelles des agros expats pendant le COVID

Nous avons voulu connaitre le ressenti des agros hors de France pendant cette période d’urgence sanitaire. Voici les témoignages de quatre d’entre eux. Un grand merci pour ce partage d’expérience, riche et émouvant :

Bruno TOUSSAINT (PG 01, ENGREF 06) – COTE D’IVOIRE

 

 

 

 

 

 

 

Les maquis ont officiellement rouvert le 15 mai. Ils n’avaient pas vraiment tous fermé, ces restaurants souvent faits de trois tables et quatre litres de bière au frais. Mais la décision est significative. « L’Afrique doit se préparer au pire » alertait pourtant l’OMS en février dernier. Impossible de savoir si le virus n’aime pas le chaud, si la catastrophe sanitaire est maquillée, si la relance économique n’a pas de prix, ou si la vulnérabilité est une réalité à décliner au gré des latitudes et des PIB.

J’ai découvert Abidjan avec mes trois enfants en décembre dernier, pour rejoindre ma femme qui avait accepté un poste dans la capitale ivoirienne. Projet familial adopté en quelques jours au creux de l’été parisien. J’y ai depuis repris la direction d’une entreprise spécialisée dans l’expertise maritime. Je découvre la logistique portuaire, l’assurance et le transport maritime. Un métier discret, mais essentiel pour la confiance entre maillons de la chaîne alimentaire. Nous développons aussi des services en amont des filières Cacao et Café. La collecte de données fiables intéresse, car la blockchain doit être nourrie correctement.

Gérer l’école à la maison et deux postes à responsabilité nécessite organisation, patience, et un soupçon d’insouciance. L’apprentissage des sciences de la vie est sans limite.

                                                                                                         

Xavier DUMANS (E 83) - SINGAPOUR

 

Depuis 30 ans en mission à l’international, je suis parti de France il y a plus de 20 ans et je vis en Asie depuis 15 ans, successivement à Shanghai, Ulan Bator et maintenant à Singapour. Mon parcours professionnel a toujours été illuminé de rencontres passionnantes sur les 5 continents. Avec une responsabilité couvrant la totalité de la région Asie Pacifique, les distances sont immenses comparées à l’Europe. Il faut constamment s’adapter aux mœurs et cultures qui s’opposent parfois à la nôtre. Singapour est un pays relativement plus facile à vivre pour l’étranger, je pense à tous ceux qui n'ont pas cette chance à travers le monde.

En début d’année, j'ai continué à travailler normalement et à voyager au Japon, en Inde, en Indonésie et en Malaisie, tout en évitant la Chine. Depuis mars, nous avons commencé à travailler à domicile. Il nous reste la liberté de circuler seuls dans la rue à condition de garder nos distances et de porter un masque. La population accepte et comprend les mesures imposées. Il y a peu de rebelles ici. Profitant de ce moment d’exception, mes sorties quotidiennes sont souvent au Jardin Botanique, patrimoine mondial de l'Unesco situé au bout de la rue, ou Marina Bay Sands, le nouveau symbole du pays. C'est aussi une occasion inespérée pour opérer un grand nettoyage de printemps chez soi.

Singapour, premier pays touché par Covid-19 après la Chine, était préparé pour faire face à la menace grâce à l’expérience acquise lors des pandémies antérieures (SARS ou grippe aviaire). Les frontières ont été fermées progressivement. Alors que le nombre de cas est resté contenu au sein de la population, le nombre de contaminations détectées a soudainement augmenté (jusqu'à plus de mille par jour) dans les dortoirs des travailleurs de la construction (ils sont plus de 300 000)... Au début mai, près de 20,000 cas recensés dans le pays, 18 décès seulement, 22 en situation critique, pour une population de 5,5 millions d'habitants. Prendre des décisions difficiles et les faire respecter ont été les éléments de salut depuis trois mois.  

 

Jacques DALLIES (E 62) - GUATEMALA

 

 Ma rue « un jour normal »                     rue « sous confinement »

Carrière 100% chez Nestlé : en Suisse pour la formation, départ pour le Chili et le Brésil comme Chef de Fabrication (produits culinaires). Directeur d’usines au Brésil, au Guatemala, en Colombie et au Costa Rica. Directeur Technique en Amérique Centrale, en Jamaique et en Equateur. Maintenant retraité au Guatemala depuis 18 ans.

Le Guatemala est un petit pays (1/4 de la France) avec 17 millions d’habitants. Il y a 35% d’indiens et l’analphabétisme, quoiqu’en diminution rapide, est encore de 16%. Le coronavirus s’est déclaré vers le 10 mars. Les mesures de confinement ont été prises le 16 mars : suspension des écoles, réunions publiques, transports collectifs, fermeture des frontières, couvre feux de 16h à 4h, commerce limité aux premières nécessités.

Le président de la République étant médecin, les mesures sanitaires ont été prises rapidement ; construction de 5 hôpitaux de campagne, confinement, 12 000 personnes en quarantaine pour les cas douteux. Aujourd’hui il y a 700 cas hospitalisés, 17 morts et 50 récupérés. Port du masque obligatoire. Le Guatemala se « défend » mieux que la majorité des pays d’Amérique Latine. Le problème majeur est la crise économique et humanitaire. 35 ou 40% de la population a perdu les emplois. C’est la famine, et l’aide est insuffisante. Je fais partie du Rotary Club, nous remettons des sacs de nourriture aux personnes les plus défavorisées.

 

 Vanessa BAGARRY (PG 94) - ITALIE

Issue de la promo PG 94, j'ai réalisé mon stage de fin d'études en microbiologie chez Galbani, en Italie, près de Cremona, j'ai rencontré mon mari, durant mon premier emploi dans le Groupe Mars près de Pavia. 

Après avoir vécu ensemble une mission de 6 mois en Hongrie, pour le transfert d'une partie de la production de l'usine de petfood, nous sommes rentrés en Italie où nous résidons depuis bientôt 20 ans. 

Ici, à cause du coronavirus, les écoles n'ont pas réouvert, comme prévu le 27 février, après les vacances du carnaval. 

Heureusement, l'entreprise de café où je suis Responsable qualité groupe, m'a permis pratiquement tout de suite de faire du télétravail, comme pour la plupart des cadres. L'usine a par contre continué à produire, étant les entreprises alimentaires considérées comme entreprises "essentielles". Mais nous avons dû par la suite recourir au chômage technique, la plupart de nos clients étant fermés (bars, restaurants, pâtisseries). 

Nous avons été confinés à partir du 9 mars, et avec le beau temps, les promenades à l'air libre ont manqué énormément. Même si nous avons la chance d'avoir un petit jardin, où nos 2 enfants peuvent prendre le soleil et jouer au ping pong. 

Heureusement, dans notre région, le Veneto, la situation sanitaire n'a pas été aussi critique qu'en Lombardia. 

La courbe des positifs au coronavirus et du nombre de guéris ont fini par se croiser. 

Le 4 mai, la phase 2 commence, la plupart des entreprises rouvrent, mais rien ne sera plus comme avant. 

Je crois que je regretterai de ne plus entendre le silence dans notre quartier, seulement dérangé par le chant des oiseaux.